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17 mai 2011

 

Le marchand de Prato d'iris ORIGO

par Pierre Staelen

 

1. Le marchand

Les vastes archives d’un négociant toscan du 14ème.siècle, retrouvées cinq cents ans plus tard, en 1950 - ont révélé divers aspects de la vie quotidienne et la modernité des usages commerciaux de l’époque et permis à Iris Origo, d’origine irlando-américaine, mariée à un  Italien né en 1335, et qui a vécu l’essentiel de sa vie en Toscane, de décrire dans un livre passionant, l’environnement de la “maison” Datini- (Indro Montanelli, dans sa “Storia d’Italia” a consacré un chapitre au marchand de Prato)- Ces archives contiennent 150000 lettres et 10000 documents provenant de différents centres d’échanges - au total 267 villes, notamment Londres, Paris, Bruges (région germanique exclue) et dont la plus grande partie se retrouve dans sa maison, devenue par la suite un musée- (Présentation d’une carte représentant les principaux évènements contemporains de ses séjours à Prato (1335-1352 ), Avignon (1352-1382), Prato et Florence (1382-1410)) –

Après un apprentissage à Florence, Francesco se joignit à un groupe de marchands florentins qui allaient commercer à Avignon, siège de la papauté, dont les papes étaient principalement d’origine française (liste des papes) – les besoins des papes et des cardinaux sont alors considérables et les italiens sont présents en nombre pour y pourvoir: la confrérie notre Dame de la Major des marchands et artisans compte alors environ 1200 membres dont 1100 italiens ; la guerre de Cent ans et la présence de bandes armées en Provence fait de Francesco un “trafiquant d’armes”( dagues, lances, épées, etc..), il achète sa première boutique en 1363 pour 941 florins d’or, puis ensuite une taverne et une boutique de drapier ; il ouvre également une boutique de change et d’oeuvres d’art.

Il se marie en 1376 avec Marguerita di Domenica Bandini agée de 18 ans ; le climat des affaires devenant mauvais suite à un édit du pape banissant les florentins, il quitte Avignon en décembre 1382 avec femme et domestiques (11 personnes) pour Prato dont l’activité principale était la confection du drap de laine (présence de nombreux ruisseaux et moulins) et oû les métiers importants étaient organisés en Guildes( notaires, apothicaires, médecins, lainiers ) chargées de contrôler les conditions de fabrication et la qualité du produit ; des rivalités entre les lainiers dûes aux conditions de travail aboutirent à la révolte des Ciòmpi (1378). Francesco avait bien préparé son retour à Prato; il avait la réputation d’homme riche mais il fuyait toute fonction publique et évita d’entrer en politique; bien que se gardant de montrer  tout signe extérieur de richesse il dut néanmoins recevoir des célébrités de passage que la commune lui demandait de loger: par ex :  Francesco Gonzaga, seigneur de Mantoue; Louis II d’Anjou, prince de Naples. En fait il se consacrait surtout à ses affaires d’import-export ( suit une présentation de la carte des voies commerciales et une énumération des produits d’échange ainsi qu’une évocation du trafic d’esclaves) ; il ouvrit ensuite de nouveaux comptoirs à Pise (1382), Florence (1386), Gênes(1388). Pour ces transports, et compte tenu des risques – piraterie- on pouvait recourir aux convois réguliers des navires marchands de Gênes et Venise accompagnés de galères de guerre, sachant que les voies terrestres étaient pires encore – brigandage, bandes armées à la solde de Gian Galeazzo Visconti ; quant aux lettres elles étaient acheminées par coursiers ou messagers ( par ex :6 jours de Florence à Venise). Francesco ouvrit une boutique à Florence (1382) ( suit le détail de celle-ci, de son personnel et de sa hiérarchie ) et créa plusieurs filiales en Italie et à l’étranger ; il étendit également son activité à la banque et à l’assurance (1398) ; ses livres de comptes au nombre de 500 révèlent la pratique de la comptabilité double (méthode italienne), l’utilisation de lettres de change pour les paiements, l’existence de taux de change car chaque Etat avait sa monnaie.

2. le chef de famille

Mari et femme : quand il se maria, sa femme avait 18 ans et lui 40 – il ne put avoir d'enfant légitime avec Marguerita, mais il eut 2 enfants de ses servantes ou esclaves. Sa femme, de condition supérieure, avait beaucoup de mérite : elle apprit à lire et à écrire et, par la suite, sut diriger la maison en l'absence de Francesco ; c'était une famille-type italienne oû le chef de famille savait se montrer exigent, mais attentionné envers le personnel.

L'ami fidèle : c'était le notaire favori de Francesco ; un étudiant de Prato dont il avait financé les études, et qui exerça sur celui-ci une certaine influence ; il enseigna l'écriture à sa femme.

La peste (1399) : angoissé et sous l'influence des Frêres prêcheurs, Francesco se mit à la tête d'un groupe de pénitents - les Bianchis- qui parcourut la campagne de Florence en se flagellant ; puis exhorté par sa femme, il se résolut à fuir à Bologne avec sa famille oû il resta 14 mois.
Les dernières années : atteint par la maladie, il dicta son testament par lequel il lèguait la quasi totalité de ses gains à sa Fondation, 100 florins d'or par an à sa femme ainsi qu'une maison, 1000 florins à sa fille, 1000 florins pour la construction d'un hôpital destiné aux enfants trouvés ; il affranchit ses esclaves.

L'Institut Datini a numérisé les archives: 360000 documents, 1000 notes descriptives, des livres comptables et une centaine de DVD, maintenant accessibles aux historiens.

 

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