Année 2009-2019 : 19 janvier 2010

L'éprouvant séjour de Girodet en Italie à la fin du XVIIIe siècle

par Jean NIVET

  

L’annonce de la conférence de Jean Nivet sur Girodet, que nous connaissions comme le peintre de Montargis, pouvait surprendre les Acorfiens. Mais qu’allait donc faire Girodet en Italie durant la révolution française? Et quelle ambiance y a t-il trouvée ?

La réponse, le conférencier nous l’apporta complète et détaillée. Il sut durant une heure et demie nous captiver par une relation passionnante, nourrie d’anecdotes, du séjour de Girodet, jeune artiste vainqueur du Prix de Rome, grâce à cela envoyé pour quatre ans dans la ville du Pape. Mais l’impétueux Girodet, très imprégné des idéaux de la Révolution, s’y trouve confronté à l’ hostilité affichée par les italiens de tous les milieux.

Giuseppe Fravega par GirodetEst-ce la raison du mépris qu’il manifeste, dès les premières lettres qu’il envoie en France, pour les œuvres d’art italiennes? L’atmosphère étouffante du Palais Mancini où habitent et travaillent les artistes Français, et ses règles inutiles, lui font l’effet d’un repoussoir. Son perpétuel besoin d’argent et les maladies successives qui le font souffrir, font crouler le moral de ses lettres.

Les tribulations de Girodet, qui durant son séjour italien sera plusieurs fois jeté en prison à cause de son inconséquence, prennent un tour tragique quand sa vie est mise en péril lors du sac du Palais Mancini, suivi du lynchage du délégué de la République. Girodet, encore une fois imprudent, échappe par miracle au même sort, grâce à l’aide d’un modèle italien qui l’a reconnu.

Il doit fuir Rome et fera des séjours dans d’autres villes, Naples, Venise et Gênes, plusieurs fois expulsé ou contraint de fuir. L’histoire de ses aventures nous éclaire bien sur les régimes gouvernant ces divers Etats, et leur réaction face au tourbillon révolutionnaire. C’est sans doute la qualité de peintre de Girodet qui lui permit souvent d’être reçu et aidé par des notables ou des personnages influents, anglais ou italiens, et surtout français.

C’est donc un sombre tableau des italiens de l’époque que nous recevons, mais rendu vif et gai par le ton alerte du conteur. Celui-ci, bien en phase avec l’assistance, semble avoir préparé quantité de textes tous aussi bien venus les uns que les autres, qu’il soumet à notre choix, et dispense pour notre plaisir.

C’est ainsi que nous obtenons une description impitoyable de la femme romaine, une autre de l’âpreté au gain des concierges et des aubergistes, ou bien l’arrivée triomphale des tantes de Louis XVI, et l’évocation de personnages hauts en couleur comme le Cardinal de Bernis.

D’autres lettres concernent la tenue vestimentaire de Girodet. En rencontrant, dès leur sortie du Palais Mancini, une population hostile, les pensionnaires ont grand’peine à passer inaperçus, sur tout Girodet dont la bourse limitée ne permet pas de porter une chevelure longue et poudrée. ou même une culotte adéquate.

À l’appui de chacun des événements, Jean Nivet présente une série d’illustrations formées de tableaux ou de dessins du peintre, ou des lieux visités. Les acorfiens demeurent impressionnés par Girodet en bonnet phrygien, et surtout par son dessin de têtes tranchées et brandies sur des lances, qui découvert dans ses bagages lors d’une fouille, devait lui provoquer de gros ennuis. Ils ont aussi beaucoup aimé la description des deux beaux tableaux peints par Girodet à Rome, en particulier l’explication fournie par le conférencier sur le tableau “Le Sommeil d’Endymion”.

Après la relation chronologique, la présentation des difficultés et des longueurs que subissaient les voyageurs en Italie à cette époque a beaucoup intéressé l’assistance, en particulier les passages des Alpes dont la beauté plaisait tant à Girodet, tandis que les ascensions le faisaint tant souffrir. Il fut justement souligné à quel point la voie d’eau était parfois la plus logique, sinon la moins dangeureuse.

On regrette que la plus grande partie des paysages peints par Girodet se soit égarée. Une grande partie de ces paysages date du séjour à Naples, où Girodet a vécu sa période la plus heureuse, marquée par les promenades et des visites de sites en Campanie. L’on apprend toutefois que ces peintures en extérieur étaient très mal vues à l’époque par les habitants, aussi bien français qu’italiens, qui y voyaient un acte d’espionnage et prirent plusieurs fois à partie Girodet pour cette raison.

La somme des observations dépourvues d’indulgence faites en Italie par Girodet lors de ses voyages pouvait laisser de ce pays une image déplorable, même s’il faut noter parfois des éclairs d’admiration. Heureusement Girodet s’est racheté par un long poème écrit plus tard en France, appelé “Le Peintre”, qui démontre chez lui un talent littéraire aussi bien qu’artistique.

Après nous avoir enchantés par ses talents de conteur, Jean Nivet veut aussi racheter Girodet à nos yeux d’amoureux de l’Italie, et nous lit quelques passages du poème “Le Peintre”, où Girode se dit émerveillé “par les beautés” de cette “noble et belle Italie”.

Les acorfiens ravis souhaitent écouter à nouveau le conférencier en une autre occasion, et le montrent par les applaudissements répétés de toute la salle.

©ACORFI