J4, mardi 24 juin : BOLOGNE

Le chef-lieu de l'Émilie-Romagne

 

Une journée dans la capitale de l'Émilie-Romagne : BOLOGNE

 

Bologna la Rossa (la rouge) à cause de la brique, essentiel matériau de construction,
Bologna la Grassa (la grasse) car la cuisine y est renommée
Bologna la Dotta (la savante)

"Bologne la savante", ce que nous allons pouvoir prouver au cours de notre visite de cette ville de 400 000 habitants actuellement mais qui comptait déjà près de 10 000 âmes sous l'Empire romain et atteignait 60 000 habitants à la fin du XIIe siècle ; c'était alors la cinquième ville d'Europe (après Cordoue, Paris, Venise et Florence). Cette population se maintint de 60 000 à 72 000 jusque vers la fin du XVIe siècle.

En arrivant, ce matin du 24 juin 2008, à Bologne, le car nous laisse Piazza Malpighi, ce grand anatomiste du XVIIe siècle qui fit ses études et oeuvra la plus grande partie de sa vie à Bologne.

Et, sur cette place, à l'opposé de la vieille ville, se trouve la basilique San Francesco (première église gothique italienne du XIIIe siècle) qui accueillit très vite les associations étudiantes de Médecine, des Beaux-arts et du Droit, si bien qu'on y voit, derrière le chevet de la basilique les trois tombeaux monumentaux, de forme pyramidale au toit vert, de glossateurs (professeurs de droit romain du XIIIe siècle) qui furent des célébrités de l'Université.

Nous voici donc tout de suite plongés dans l'ambiance studieuse de Bologne dont la devise est "alma mater studiorum" (mère nourricière des études)

Nous nous dirigeons vers le cœur historique de la ville en passant sous la Porte Neuve qui faisait partie des remparts du XIIIe siècle. Au passage nous observons la maison natale de Giglielmo Marconi (1874-1937) inventeur de la TSF et qui fut prix Nobel de physique en 1909.

Nous visitons le cœur artistique et politique de Bologne autour de la Piazza Maggiore

Déjà la chaleur montait qui incitait certains à rechercher l’ombre qu’ils auraient voulue bienfaisante. La guide présenta les différents palais entourant la place :

  • le palais du roi «  Enzo », roi sarde qui y fut enfermé pendant 23 ans après avoir essuyé une cuisante défaite militaire au XIIIe siècle,
  • le palais des notaires du XIVe  où se regroupaient les corporations,
  • enfin, surmonté de la tour de l’Arengo du XIIIe le palais du Podestà édifice du XVIe siècle sous les arcades duquel nous prendrons le repas de midi.

(Photo de la place vue d'avion)

La Piazza Maggiore est dominée par la basilique  San Petronio dont la façade peut étonner par son inachèvement. L’édifice date de 1390, il est l’œuvre d’un bolonais : Antonio di Vincenzo à qui l’on doit le beau soubassement de marbre.

(Photo de la basilique San Petronio)Dans la basilique San Petronio qui ferme le côté sud de la place (église non orientée) nous avons pu voir, au sol, sur le côté gauche, le "méridien de Cassini" datant de 1655 : le rayon du soleil entrant par un orifice du plafond donne à midi (à Bologne) une tache de lumière en un point différent selon l'époque de l'année, en suivant une ligne, la "méridienne", et c'est ainsi qu'est inscrit au sol un véritable calendrier : c'est la plus longue méridienne jamais réalisée en un lieu clos, correspondant ici à 1/600 000 du méridien terrestre, c'est à dire environ 66 mètres.

La basilique San Petronio est un bâtiment gigantesque qui offre, à l’intérieur, 22 chapelles. L’une d’elles est particulièrement remarquable, dédiée aux Rois Mages elle est l’œuvre de Giovanni da Modena. Sur la paroi du fond sont représentés l’Enfer et le Paradis. Le registre consacré aux châtiments montre parmi les nombreux pécheurs opposants au dieu des chrétiens un certain Mahomet nommément cité.

À la sortie de la basilique nous nous sommes rendus au théâtre anatomique

Bologne s'enorgueillit d'être la plus vieille université d'Europe puisqu'elle fut créée en 1088 (ensuite il y eut celles d'Oxford, Paris, Cambridge). Ce sont des notables (surtout des juristes) bolonais qui ont été à l'origine de sa création (et ce sont les mêmes qui accordèrent de nombreux privilèges aux habitants en créant au XIIe siècle le système qu'on a appelé la Commune). C'est Irnerius qui est considéré comme le fondateur de l'Alma Mater Studiorum, c'est à dire de l'Université. Dante, Pétrarque, Boccace vinrent y étudier aux XIIIe et XIVe siècles. Bologne étant un carrefour entre les grands axes datant de l'époque romaine :  via Emilia, E-W de Rimini à Parme, Plaisance puis Milan, via Emilia altinate vers le N (Aquilée, province d'Udine) et via Flaminia minor vers le S (Arezzo), de nombreux étudiants étrangers y accoururent. De ce fait il y eut maintien de cette université au cours du temps, lié aussi à la présence de professeurs illustres  de droit, médecine, philosophie, mathématiques, sciences naturelles. Et c'est ainsi qu'en 1563 fut construit l'Archiginnasio, siège unique de l'enseignement universitaire , par la volonté du cardinal Charles Borromée, légat du Pape Pie VI (Jean-Ange de Médicis, pape de 1559 à 1563) et sur les plans de l'architecte Antonio Morandi dit il Terribilia.

(Plan de l'Archiginnasio)

Ce palais de l'Archiginnasio présente à l'extérieur un long portique de 30 arcades  sur 139 mètres (promenade du Pavaglione que nous avons parcourue à l'est de San Petronio) au-dessus duquel se trouvent, à l'étage les salles universitaires. .(?80)

L'entrée donne sur une cour intérieure centrale à double rangée d'arcades.(?83) Cette cour est ornée de nombreux blasons sculptés ou peints relatifs aux étudiants  avec leurs noms et leurs pays. On en trouve également dans toutes les salles et sur les murs, si bien qu'on en compte 5950 au total (XVIe au XVIIIe siècles). Cette université était en effet dirigée par les étudiants, élus chaque année , à la différence de la Sorbonne qui était dirigée par les maîtres. Au centre on voit le blason des Médicis (le pape Pie VI étant à l'origine de la construction du Palais comme nous l'avons dit) entouré de celui de Charles Borromée et du Sénat de la ville. (?85))

Deux escaliers monumentaux conduisent à l'étage supérieur où se trouve une grande galerie desservant des salles de cours et un grand amphithéâtre à chaque extrémité. Mais nous nous dirigeons d'abord par une galerie vitrée vers le fond où nous entrons dans le Teatro anatomico qui a été construit en 1645 sur les plans d'Antonio Levanti, élève des Carrache.

Ce Teatro anatomico est une salle tout en bois de sapin et de cèdre, présentant des gradins entourant une table de dissection en marbre blanc. (?86)  Les murs sont décorés de deux rangées de statues, en haut de 20 bustes d'anatomistes de Bologne et en bas de 12 grandes statues en bois de tilleul de médecins célèbres dont Hippocrate, Galien et des Bolognais comme Fracassati, Sbaraglia et Malpighi. Le plafond en bois est à caissons ornés de symboles de constellations et au centre Apollon, dieu protecteur de la Médecine. La chaire d'où le maître commentait la dissection, est coiffée d'un baldaquin soutenu par deux "écorchés" (sculptés en 1734) et au-dessus duquel un putto ailé offre à une femme, symbolisant l'Anatomie, non une fleur mais un  fémur !.

Les cadavres à disséquer étaient trouvés par les étudiants ou par le maître ; souvent il s'agissait de condamnés à mort dont on avançait ou reculait l'exécution, selon les besoins du maître. La dissection était assurée par un barbier au niveau de la table de marbre et le maître donnait les explications. C'était un privilège de l'Université de Bologne de pouvoir disséquer des humains mais on ne disséquait ni la tête, ni le cœur, ni l'appareil génital !

Le Teatro anatomico a subi de sérieux dégâts lors du bombardement du 29 janvier 1944 mais il a été reconstruit dès la fin de la guerre, à l'identique, et les statues de bois qui ont été  récupérées dans les ruines sont donc d'origine.

Nous nous dirigeons ensuite vers la salle du Stabat Mater, en parcourant d'abord la galerie vitrée où nous avons pu observer entre autres un "memoria" à la gloire de Malpighi. C'est une peinture allégorique de Franceschini (1687) représentant une sorte de chapelle où l'on voit Mercure, dieu de l'éloquence et de la raison, en haut d'un autel, offrant à une femme symbolisant l'Eternité une feuille portant le nom de Malpighi ; à droite de l'autel se tient Esculape, dieu de la Médecine, avec son caducée ; dans l'abside de la chapelle des putti volants tiennent des couronnes de laurier. (?93)

Les murs des couloirs menant à la salle du Stabat Mater sont décorés de nombreux blasons et de sculptures diverses ainsi que de vitrines contenant des documents anciens.

La salle du Stabat mater est un amphithéâtre qui se trouve à l'extrémité du couloir : il s'agit de l'amphithéâtre des juristes et il porte ce nom car c'est là qu'eut lieu la première exécution du Stabat mater de Rossini le 18 mars 1842, composé lors de son retour en Italie (1836-1855).

Les murs de ce lieu solennel de l'ancienne Université sont entièrement décorés d'ornementations glorifiantes très variées . (?102), parfois par-dessus d'autres plus anciennes comme c'est le cas du monument à la gloire du légat Savelli (1648), recouvrant tout un ensemble de blasons d'étudiants du siècle précédent ! (?103) La frise supérieure présente de grands blasons des étudiants de divers pays, séparés par des cariatides ou télamons

Depuis 1838, cet amphithéâtre, les salles de cours et l'autre amphithéâtre servent de bibliothèque (Bibliothèque Municipale de l'Archiginnasio fondée en 1801) contenant plus de 600 000 volumes.

C'est en 1803 que l'Université de Bologne fut transférée par Napoléon Ier au Palazzo Poggi, via Zamboni devant lequel nous passons, l'après-midi, en nous rendant à la Pinacothèque.

Un peu plus tard et un peu plus loin, une belle surprise nous attendait dans l’église de Santa Maria della vita : une « Déploration »  en terre cuite intitulée « les Maries en Pleurs » de Nicolo dell’Arca époustouflante dans la façon énergique autant que tragique d’exprimer la douleur face à la mort .

(2 Photos de la Déploration)

Traditionnellement le thème de la déploration est traduit par une plastique beaucoup plus contenue. Un grand moment artistique !

L’après-midi, de plus en plus chaud, nous permet de découvrir la fontaine de Neptune. Située sur le flanc Est du palais du Podestà, c’est une œuvre de la Renaissance tardive due à Giambologna, artiste flamand.

(Photo de la fontaine de Neptune)

Puis sur la place de la Mercanzia nous pûmes admirer la Loge des Marchands ou Mercanzia construite en 1390 en style gothique. La commune de Bologne y avait son poste de douane.

Du petit balcon à dais situé au milieu de la façade étaient lues les décisions du tribunal des marchands.

Actuellement cet édifice abrite la chambre de commerce de Bologne.  

(Photo de la Loge des Marchands)

Les deux tours

Un peu plus loin se présentent à nous deux immenses tours de briques, véritables symboles de Bologne et véritables défis aux lois de la physique: la tour « degli Asinelli » haute de plus de 97 m construite en 1109. Son aspect spectaculaire tient à son inclinaison d’environ 2 m et demi .Utilisée comme prison elle voisine avec une seconde tour ,la tour Garisenda, haute de 47m qui, elle, présente une inclinaison de 3m20.

(Photo des deux tours)

La découverte de Bologne se prolongea par une visite de la Pinacothèque et de ses œuvres majeures parmi lesquelles des tableaux des frères Carrache : Agostino, Annibale et leur cousin Ludovico.

Ils sont les fondateurs de la fameuse Académie  des  «  Incamminati » ( « les Acheminés ») dans les années 1580 et de ce qu’on appelle « l’Ecole Bolonaise ». L’académie des « Incamminati » dura jusqu’en 1619.

C’est Annibale Carrache qui domina cette académie et  qui marqua le plus la peinture de son temps .Il est notamment considéré comme le fondateur du paysage classique . C’est à lui que se référèrent Nicolas Poussin et Claude Lorrain.

Souvenons nous qu’au XVIIe siècle les plus grands peintres européens se retrouvaient en Italie.

(Photo du tableau)

Bargellini Madona :  Ludovico Carracci :  1588

L’un des éléves des Carrache  fut Guido Reni dont nous pouvons admirer un très puissant Massacre des Innocents, un Saint Sébastien et Samson, une Annonciation, une Vierge à l’enfant très réaliste.

(Photo du deuxième tableau (massacre des Innocents)

Le massacre des innocents par Guido Reni. (1611)

La Pinacothèque présente par ailleurs quelques délicieux primitifs comme Vitale da Bologna, Tomaso da Modena ou le Pseudo Jaccopino. Ajoutons des œuvres du peintre maniériste Vasari, par ailleurs architecte et  l’un des premiers historiens de l’art avec ses « vies des plus illustres peintres, sculpteurs et architectes » publiées en 1550. Les deux œuvres de Vasari présentées à la pinacothèque sont  le « Christ dans la maison de Marthe et Marie » et « le repas de Saint Grégoire ».

La journée se termine de plus en plus étouffante.

 

Quelques liens :

Romagne '08