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15 décembre 2015

 

Regards indiscrets sur les secrets de la Sardaigne

par Henri Massieu

Henri

Après un court rappel des films précédents, Henri Massieu présente brièvement son film; la plupart des sites qui y figurent sont pour nous inédits.

obsi chefDès les premières images on est gagné par le charme de la Sardaigne qu'Henri sait si bien faire passer par ses films. Presque tous les lieux évoqués nous sont nouveaux et nous goûtons pleinement cette découverte. On a même l'illusion d'une ballade en voiture, puisqu'à chaque changement de scène la camera nous fait parcourir de charmantes petites routes sardes; ou bien elle nous offre une gros plan de fleurs sauvages. Et que nous fait-on découvrir ? Des vestiges de la culture nuragique - cette culture à l'origine du peuple sarde - qui témoignent de son ancienneté, comme de son étendue.

Henri Massieu aime passionnément la Sardaigne, et ses films nous permettent de participer à sa passion. La culture nuragique qu'il nous présente, remonte à des temps très éloignés, et nous apparaît en même temps très avancée pour ces temps. Et pourtant on en connaît mal l'origine.

Tout commence par l'obsidienne, sculptée, et taillée pour faire des armes et des ustensiles A cette époque la Sardaigne présentait le plus important gisement d'obsidienne en exploitation et pouvait en approvisionner tout le continent. La route de l'obsidienne, passant par la Corse et l'Ile d'Elbe, aboutissait en Etrurie.

Et ainsi Henri porté par l'enthousiasme nous emmène sur cette nouvelle voie, celle du développement de la culture nuragique vers le continent, la rendant peut-être à l'origine d'autres cultures - restées mystérieuses elles aussi - comme par exemple celle des étrusques.

Nous acorfiens moyens n'avons sûrement pas qualité pour donner un avis sur cette question qui nous dépasse. Si les sardes sont de nos jours plus terriens que marins, leurs ancêtres nuragiques dans leurs barques typiques ont bien pu aborder d'autres rivages même lointains de la Mer Méditerranée. Et ne seraient-ils pas ce mystérieux “peuple de la mer” connu depuis l'ancienne Egypte? Les similitudes de noms et de costumes avancées dans le film permettraient d'y penser.

Et c'est la recherche des origines qui nous mène en des lieux jusqu'ici inconnus pour nous, comme Nora et son temple de Tanit, dans le sud de l'île, qui fut colonie phénicienne. Le film nous rappelle les sacrifices de nouveaux-nés à Tanit, attribués aux phéniciens.

voute barque Un autre choix de visite du film - tout aussi heureux - est le site remarquable de Valcamonica, au nord de Brescia, que le cinéaste avait visité dans le passé. Il y vit des évocations d'artisanat au temps du néolithique qu'il avait alors filmées, et nous restituait dans ce film, sans diminuer l'harmonie de son ensemble. On y voit la démonstration de cabanes du néolithique construites avec insertion de chêne-liège, ce qui nous mènera plus tard à un intermède très opportun.

On a aussi goûté le rapprochement entre la construction de la voûte d'une tombe étrusque (à Vulci ?) et celle du célèbre nuraghe de Losa. La construction des nuraghes est remarquablement expliquée et abondamment illustrée dans le film, et offre une preuve indiscutable de la maîtrise des sardes de l'antiquité dans ce domaine, qui aurait été ainsi transmise aux autres civilisations.

L'excursion continue plaisamment de site en site, quand sur le chemin d'Oniferi et sa nécropole de Sas Concas on s'arrête pour assister à une démonstration de récolte de chêne-liège, intermède bien choisi qui renforce l'impression d'être en promenade.

tombe geants rue On se remet en route, route étroite et bordée d'arbres, soudain bitumée mais toujours tranquille et peu fréquentée; un aperçu de la mer, et nous voici à la Tombe des Géants. Laquelle ? Il y en a beaucoup en Sardaigne, peut-être celle d'Is Concias? Après les explications, un grand saut et nous voici à Volterra, car on y visite son musée étrusque. De retour en Sardaigne, la visite de la fontaine sacrée de Su Tempiesu fournit l'occasion d'expliquer le culte nuragique de l'eau qui purifie, celle de la nécropole de Museddu, dans le Parc des Pétroglyphes, apporte l'explication des pétroglyphes et la présentation de certains d'entre eux. En passant Henri nous a montré le sanctuaire nuragique de Santa Cristina et son puits sacré à l'ouverture circulaire, permettant le reflet exact de la lune tous les 18 ans. Et l'on observe d'autres comparaisons, comme celle des cercles funéraires nuragiques et des cercles berbères trouvés en Afrique du Nord.

On a déjà dit combien on apprécie l'ambiance qu'Henri apporte à ses films par des fonds sonores sélectionnés, souvent interprétés par lui à la guitare, quelquefois des chants sardes. Cette fois l'apport de petits personnages dessinés, et l'inclusion de dessins explicatifs, enrichissent encore l'ambiance. Et aussi on voit que, subtilement, à des scènes qui mettent une chose en évidence, suit mais bien plus loin une scène basée sur cette même chose : c'est le cas du chêne-liège, ou à l'inverse celui de l'obsidienne. Enfin il a inclus dans quelques scènes des personnages dessinés de grandeur nature qu'il fait cohabiter un bref instant avec un personnage réel, en l'occurrence son épouse.

Le modèle convivial qu'est l'Acorfi en sort encore renforcé, mais les applaudissements qui fusent à la fin du film vont bien à sa qualité et au plaisir éprouvé par tous les acorfiens. Et si ce compte-rendu ne rejoint pas du premier coup l'une ou l'autre des thèses développées par le cinéaste, n'en disons plus rien, car

“tout doit rester secret”